Entre 2022 et 2023, Doris Poe développe un jeu de tarot mêlant images générées par intelligence artificielle et illustration. Les 21 arcanes majeures de ce tarot sont le fruit d’un travail de composition précis : chaque carte s’appuie sur un prompt ciblé, nourri de références, qui oriente l’IA d’une époque dans sa proposition initiale. Ce projet donne naissance à un tarot inclusif, peuplé de figures racisées, non genrées ou marginales, dans une relecture contemporaine de l’imaginaire symbolique traditionnel.

Intention créative

Ce tarot explore et réinterpréte les archétypes des 21 arcanes majeures du Tarot de Marseille.

D’une part, la production d’images par l’IA via un prompte est une partie essentielle de la démarche. Selon l’analyse des cartes traditionnels, les éléments sujets à interprétation, les symboles et les connotations, le prompt est rédigé et orienté. D’autre part, une intervention humaine manuelle et sensible qui vient retoucher, détourner ou densifier les propositions initiales.

L’ensemble forme un corpus où le bizarre, les accidents visuels et les ruptures de logique propres à l’IA de l’époque deviennent des matériaux plastiques à part entière. Ce projet questionne la place de la beauté, de la diversité, de l’invisible et du sacré dans un monde où les outils numériques façonnent de nouveaux récits.

Technique et contexte
de l’IA de l’époque

Le projet a été réalisé en 2022 à l’aide de DALL·E 2, un outil d’intelligence artificielle développé par OpenAI, alors encore en phase de déploiement limité. À cette période, l’accès à DALL·E 2 était soumis à une liste d’attente, seuls un million d’utilisateurs avaient été progressivement invités à tester la plateforme à partir de juillet 2022, avant une ouverture au grand public fin septembre de la même année. Ce contexte en fait un projet précoce, réalisé à un moment où l’IA générative suscitait autant de fascination que de réserves, et où les outils disponibles étaient encore instables, expérimentaux.

DALL·E 2 fonctionnait sur un principe text-to-image, capable de générer plusieurs images à partir d’un prompt textuel. Mais à cette époque, le moteur souffrait encore de nombreuses limites :
. Résolutions modestes
. Artefacts visuels fréquents
. Difficultés à représenter les corps et visages humains de manière réaliste,
. Biais de représentation (visages blancs, masculins, occidentaux en majorité)
. Incohérences stylistiques, parfois renforcées par l’imprécision ou l’ambiguïté des prompts.

Ces imperfections sont devenues des matériaux plastiques à part entière dans le processus de création du tarot. L’artiste a volontairement conservé certaines bizarreries issues des générations IA, les intégrant comme des marques d’époque ou des accidents signifiants. Chaque carte a ensuite fait l’objet d’un retravail, pour affiner les traits, recomposer les scènes, détourner les stéréotypes et réincarner les figures.

À l’époque, DALL·E 2 était l’un des seuls outils accessibles au public non expert pour générer des images à partir de texte, avec une interface simple et sans connaissance technique requise. Des alternatives existaient (comme Craiyon ou Artbreeder), mais elles proposaient une qualité nettement inférieure ou des fonctionnalités plus restreintes. Les modèles comme Stable Diffusion et Midjourney, bien que déjà en cours de développement, n’étaient pas encore démocratisés ni faciles d’accès sans connaissances techniques ou serveurs spécialisés.

Ce tarot s’inscrit donc dans une fenêtre historique singulière : celle des premiers dialogues entre artistes et IA.

Significations et interprétations

Cliquez sur une carte pour connaitre sa signification et son interprétation.

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